Sardines à l'huile 2014/2019
acrylique, huile et collage sur toile
Il faut entendre avec les yeux, voir avec les mains, et toucher par l’esprit. Diderot, in « lettre sur les aveugles ».
De temps en temps l’été dans l’île de Noirmoutier, une petite boite de sardines en chocolat vient agrémenter le café en fin de repas, c’est l’occasion de faire durer paresseusement le farniente de l’après-midi au soleil…Je ne peux jeter ces jolis emballages en papier d’aluminium coloré, sardines aux écailles bleu et or pour le chocolat noir, bleu et argent pour le chocolat au lait.
Pendant ce moment de rien du tout, je les lisse distraitement du plat de l’ongle du pouce ou de la pulpe de l’index pour en effacer les traces de pliage sans les abimer, puis les range dans la boite à souvenirs de la saison, aux côtés de coquillages, petits bois flottés et trouvailles de la dune. La boite se vide et se remplit saison après saison, les emballages s’empilent tout au fond.
Les petites sardines changent de couleur au gré des confiseurs : arrivent des rougets dans le goût des cerfs-volants chinois (fourrage sophistiqué de chocolat au lait à la feuillantine), puis d’élégants maquereaux au ventre jaune sur fond de mer turquoise (chocolat noir fort), de pensives sardines au beau regard triste, au ventre rose, au chocolat au lait tendre et d’autres bleu et or, pur design (chocolat au lait pur beurre de cacao).
De retour à l’atelier, j’achète régulièrement des châssis de très petit format dans l’idée d’utiliser un jour les chutes de toile métis, de lin, ou de jute que je tends sur de plus grands formats. En consultant le listing de mes productions que je tiens soigneusement à jour à la demande de ma compagnie d’assurance depuis les années 80, je repère de temps à autre un titre faisant allusion aux poissons, sur divers petits formats.
Une première série avec des collages de ces précieux emballages de sardines apparait bientôt dans une liste de toiles exposées au Trianon Palace à Versailles, en 1998. En cherchant bien dans l’atelier de plus en plus encombré, j’en retrouve une ou deux… Invitée à exposer en avril 2015 dans la région de Bayeux, à la Galerie éphémère 2, je me lance dans cette deuxième série, toujours sur toile tendue de petit format, avec un fond acrylique ou vinylique, sur lequel le collage du papier d’alu vient s’enrichir d’éléments en relief collés et de trames peintes à l’huile.
Ces montages racontent une micro légende poétique ou humoristique en relation avec chaque poisson représenté, dont la clé est donnée par le titre.
Puis les sardines iront au ski en mars 2016...
FDX
Tout au tour de la terre, avant 2011
Au XXème siècle, les artistes minimalistes ont proclamé : « L’art, c’est penser » !
En temps que peintre-graveur, pour moi, cette pensée émerge d’un sentiment qui la développe et la mène à la création.
Ce sentiment, d’ordre passionnel vient ici de la terre nivernaise. Celle de mes ancêtres vignerons, qui l’ont longuement cultivée sur des coteaux bordant la Loire, en produisant depuis des siècles un beau vin jaune clair au goût de pierre à fusil. Les vignes, les forêts, les champs, couvrent cette province verdoyante. J’en ai peint chaque brin d’herbe pendant de longues années.
Mais, depuis l’enfance, je sais que sous ce manteau, il existe un trésor : une terre plutôt grise, dont le précieux filon arrivant du Berry vers la Puisaye, fut tranché à vif par des travaux de déviation : la mythique nationale 7 des vacances traversait mon village et le contourne maintenant. J’avais alors rempli une bassine lessiveuse de ce trésor, qui a fait racler l’arrière de la vieille « deux chevaux » familiale.
« Keramikos » vient de « Keramos » qui signifie la terre, l’argile en grec.
Depuis toujours, en leur rendant visite, j’ai vu des hommes et des femmes la tamiser, la filtrer, la battre longuement, la couper, l’humidifier, la tourner et la caresser de leurs mains devenues grises comme des ébauches de Rodin. Ils en font naître des formes qu’ils confient après séchage, à un four, au cœur d’un feu d’enfer alimenté nuit et jour. Puis les pièces parfois gravées ou couvertes d’un émaillage liquide illisible parce qu’à l’improbable couleur, sortent enfin du feu qui les révèlent, magnifiées ou torturées.
Ces créations m’émeuvent, je me perds dans la contemplation et les emporte parfois. Je vis avec certaines, et les fais miennes en traduisant l’émotion qu’elles transportent, par la peinture. Je les « emprunte » par le dessin et la gravure. Ma vieille lessiveuse est cachée quelque part dans la grange ou l’écurie, je n’y touche pas. C’est un témoin de mes envies. Je les assouvis avec mes moyens plastiques et continue de vénérer la céramique.
Un jour, j’irai rejoindre mon autre amour, celui de l’Extrême Orient, en Corée, au Japon et peut-être en Chine s’il en est encore temps ; là bas on pratique aussi cet art ancestral et pourtant toujours contemporain.
Mais qu’en sera-t-il de la peinture ? FDX